Autour du livre A l'école du partage

Je voudrais vous parler aujourd'hui du livre "À l'école du partage : les communs dans l'enseignement" par Marion Carbillet et Hélène Mulot.

                Ce livre a une histoire qui me semble significative du processus même de l'écriture, de l'intérêt du livre comme format d'élaboration de la pensée. Laissez-moi vous raconter.

                Hélène Mulot et Marion Carbillet ont coordonné un numéro de la revue InterCDI sur les communs à l'école : comment apprendre aux élèves les licences ouvertes, les usages du partage numérique, la rédaction dans Wikipédia... J'ai alors demandé à Hélène qui est par ailleurs membre du collectif "SavoirCom1" que je suivais activement, si elle pourrait étendre cette réflexion pour en faire un livre. Ma demande était somme toute banale : expliquer les communs, indiquer des pistes de travail dans les CDI et peut être plus largement dans les enseignements.

                Mais au final, ce n'est pas du tout ce que nous avons publié. Car le processus d'écriture, ici de surcroît à quatre mains, a fait germer des questions. Pas des réponses plus ou moins préparées qu'il aurait fallu mettre noir sur blanc. De véritables questions sur l'histoire de l'école, sur la place des professeur·e·s documentalistes, sur l'objectif même de l'enseignement.

                Le principal commun qui traverse se livre, c'est le savoir. Comment sa transmission est-elle profondément modifiée par les pratiques numériques ? Comment apprendre à utiliser les nouveaux modes de diffusion du savoir ? Comment faire évoluer le rapport aux médias ? Comment concevoir la copie, si souvent décriée, alors que d'un point de vue global, l'imitation est le premier pas de la connaissance et plus tard de l'autonomie ?

                Tout ceci part de l'expérience transverse des CDI, dont les professeurs sont à la fois enseignants et accompagnateurs/trices, en contact avec les élèves pour les aider à acquérir l'autonomie dans la recherche d'information, dans l'usage des documents et le rapport aux médias. Mais au final le livre pose des questions sur l'ensemble de la forme scolaire qui devrait interpeler tous les enseignant·e·s.

                Par exemple, pourquoi avons-nous finalement adopté la structure de classes d'âge avec un enseignant sur une estrade, alors que tout au long du XIXe siècle le débat a comparé cette pratique à l'école mutuelle, dans laquelle les élèves s'apprennent entre-eux avec l'aide de l'enseignant ? Cette dernière forme étant largement défendue, notamment par Victor Hugo.

                En chemin, Le livre croise le parcours de l'éducation populaire, ses principes et son objectif principal : partir de ce que les gens vivent et savent pour les aider à formaliser leur propre pensée. Il croise également les pédagogies dites alternatives, comme celle portée par Célestin Freinet et l'ICEM, ou des formes non scolaires comme les réseaux d'échange de savoir...

                Au final, il s'agit de se poser la question du pouvoir d'agir (empowerment, empouvoirement). Comment transformer l'école pour que les élèves y acquièrent les méthodes, les bases et le plaisir qui les aidera à apprendre en autonomie et en réflexivité tout au long de la vie.

                Ce parcours entre ma demande d'éditeur somme toute assez simple et raisonnable, et ce bouillonnement créatif et dynamique est ce que j'aime appeler "la magie de l'écriture". Le contenu d'un ouvrage n'est jamais acquis d'avance, il se forge dans le chemin. C'est tout ce qui fait la différence entre un article, voire une collection d'articles, et au final une pensée qui prend le temps et l'espace pour se déployer.

                Celles et ceux qui ont lu le livre "À l'école du partage" ne s'y sont pas trompés et peuvent dire comme Stéphanie de Vanssay : « Cet ouvrage pousse le lecteur à réinterroger ses propres pratiques et cadres de confiance. C’est une excellente façon de résister à la tentation de valider/invalider ce que font et pensent nos élèves et d’entrer avec eux dans une démarche réflexive personnelle et collective. [...] Loin d’être réservé aux profs doc cet ouvrage est éclairant sur les questions de fond et riche en pistes pédagogiques pour des enseignants de tous niveaux et toutes disciplines intéressés par les enjeux du numériques dans notre société et soucieux d’aborder ces questions avec leurs élèves.» (https://ecolededemain.wordpress.com/2019/08/30/a-lecole-du-partage-un-livre-incontournable/)

                La Directrice du Collège où exerce Hélène Mulot a particulière apprécié ce livre, mettant en perspective les pratiques du CDI avec la réflexion sur l'enseignement des communs et l'école du pouvoir d'agir. Elle a tourné trois courtes séquences vidéo pour l'expliquer :

https://www.youtube.com/watch?v=t-NffqJ3yOY&list=PLX4L4mYfimjsXJsIcClocLVI1K0xtjZrN

                Et puis le livre se termine par cette phrase si représentative :

                «Nous avons un vœux : transmettre un peu du souffle qui nous inspire et de la joie que nous vivons au quotidien avec les élèves»

                Bonne lecture,

Hervé Le Crosnier