Le pouvoir d'agir

Thème : Apprenance

Empowerment et pouvoir d'agir

Pour définir la capacité individuelle et collective à l’imagination et l’action, nous nous appuyons sur la notion anglo-saxonne d’empowerment. Nous aurions pu choisir de le terme capabilité, une notion mise en avant par Amartya Sen, philosophe et économiste indien et prix Nobel d'économie en 1998. Il défend l’idée que la croissance économique ne doit pas se mesurer uniquement par des critères de production et de consommation, mais aussi par la capacité des individus à mener une vie « désirable », c’est à dire qui corresponde à leurs aspirations et leur permette de vrais choix entre différentes alternatives. Cette notion, parce qu’elle intègre le bien-être individuel et la question du développement personnel, nous intéresse. Elle nous paraît cependant un peu trop exclusivement centrée sur le développement individuel et pas assez sur la pensée du collectif. À l'heure de penser les transitions écologique, culturelle, sociale, démocratique, il nous paraît important de ne pas se délier d’une pensée collective, qu’elle soit locale, nationale ou transnationale.

C’est pourquoi nous avons plutôt suivi le choix du conseil national du numérique (CNNum) pour traduire empowerment par « pouvoir d’agir ». Le terme est utilisé dès les années 1970-1980 par les mouvements de luttes féministes ou antiracistes. Par la suite, il se répand et on le retrouve aujourd'hui dans de nombreux lieux et contextes, dans le cadre des politiques locales de développement comme dans celui du management d’entreprise. Empowerment peut se traduire par : « Le fait de se mettre en capacité d’agir sur sa vie et son environnement ». Nous choisissons pour notre part de le traduire plus simplement par « pouvoir d’agir ».

 

Qu'est-ce que le pouvoir d'agir ?

Dans le rapport du Conseil national du numérique Citoyens d’une société numérique3 paru en 2013, la notion recouvre trois dimensions :

- le « pouvoir de » qui se réfère bien à des capacités individuelles et au développement personnel global ;

- le « pouvoir avec » : la capacité à agir avec les autres en se reliant à une pensée collective ;

- le « pouvoir sur » qui se réfère à la capacité à agir sur son environnement pour le transformer.

 

Le lien à soi, aux autres et à son environnement 

Voilà à nouveau rejointe la pensée complexe chère à Edgar Morin porteuse d'une ambition éducative à la hauteur des enjeux actuels. Le pouvoir d’agir c’est « le pouvoir de changer ma vie en tant qu’individu, la capacité à me donner les moyens de mon développement personnel, le pouvoir avec ma communauté de transformer mes conditions de vie, dans une approche d’action collective, de solidarité de proximité, et enfin le pouvoir sur la société, dans une acception plus politique. »

Pour le CNNum, le terme « pouvoir d’agir » garde donc une dimension sociale et politique porteuse de transformation sociale et capable de définir les conditions d’une nouvelle citoyenneté démocratique réellement inclusive. À l’heure du désengagement des populations lors des élections et de la montée des populismes liée à un sentiment d’exclusion de la société, cette ambition nous renvoie à la nécessité d’une école qui développe un esprit émancipé, indépendant et des compétences qui « donnent du pouvoir ».

« Vouloir dissocier la capacité d’action collective de l’inclusion, c’est alimenter le rejet de la politique, mais aussi participer à un cercle vicieux de marginalisation, qui peut prendre la forme d’une perte de civilités, d’attirance pour des extrémismes politiques ou religieux, etc. » ajoute le rapport.

Le pouvoir d'agir que nous portons nous semble être la garantie de la formation de citoyens capables de prendre part à la vie démocratique, en faisant des choix raisonnés, éthiques et construits avec leurs semblables.

Le pouvoir d’agir doit se penser comme un processus durable qui dépasse de loin le temps scolaire. Dans ce contexte, l'école devrait pouvoir enseigner non seulement la capacité à se former, mais aussi l’envie de le faire, et la persévérance pour y arriver.